Fin Mai 2025. À Notre-Dame-de-Gravenchon, en Normandie, le mot circule dans les couloirs, sur les parkings, dans les halls techniques :
Une annonce va être faite en CSEC Mercredi prochain , le 28 mai… Un an après l’arrêt des activités chimiques du site et la suppression de 608 postes, cette information ravive les inquiétudes. Pourtant, cette fois, le scénario semble différent. Et potentiellement porteur d’avenir.
Le 28 mai, l’annonce tombe :
ExxonMobil entre en négociations exclusives avec North Atlantic France SAS pour céder ses parts (82,89 % du total des actions existantes) dans
Esso SAF, ainsi que
100 % d’ExxonMobil Chemical France SAS. Autrement dit, l’ensemble des activités présentes sur le site de Port-Jérôme changeraient de propriétaire d’ici la fin de l’année.
🛢️ Un complexe industriel en mutation
La raffinerie de Port-Jérôme, ce n’est pas n’importe quel actif. Sur plus de
600 hectares, le site traite jusqu’à
12 Millions de tonnes de pétrole par an , produisant carburants, bitumes, lubrifiants et additifs pour moteurs. C’est l’un des plus vastes complexes industriels du pays, et un acteur central de la sécurité énergétique française. Il représente 20 % de la capacité de Raffinage en France et pour mettre ce chiffre en perspective , les produits énergétiques-carburants fabriqués chaque année sur ce site contiennent autant d’énergie que la production électrique de 13 (!) réacteurs nucléaires (75TWh chaque année). C’est une quantité d’énergie massive qui est donc fabriquée sur cette plateforme !
Un "monstre d’acier", comme on l’appelle parfois localement, dont l’avenir cristallise espoirs et inquiétudes.
Depuis la fermeture du vapocraqueur chimique en 2024 qui n'était plus rentable face à la concurrence, le site fonctionne avec une configuration davantage orientée vers les produits énergétiques et les spécialités (Produits chimiques à haute valeur ajoutée , Additifs, Huiles, Bitumes routiers ). Le choc est encore frais même si les départs ont été accompagnés avec 5 ou 10 ans d’anticipation de retraite ou avec des formules de reclassement financées par l’entreprise. Ces départs se sont faits principalement sur la base du volontariat. Alors forcément, lorsqu’un repreneur canadien se présente, la prudence est de mise.
💼 Qui est North Atlantic ?
North Atlantic, c’est un acteur énergétique à Terre-Neuve-et-Labrador, au Canada. Présent dans le raffinage, la distribution et les carburants alternatifs, le groupe s’appuie sur une expérience de plus de 40 ans et une ambition très claire : devenir un
leader transatlantique de l’énergie. Avec cette opération, il met un pied en Europe. Et pas n’importe où : sur l’un des derniers bastions industriels lourds encore debout en France, sur l’Axe seine Normand, en Pays de Caux .
Mais ce qui retient l’attention, c’est
le discours. Là où ExxonMobil semblait ne pas pouvoir déployer sa stratégie d'investissements massifs pour la transition énergétique en Europe faute de cadre réglementaire clair et d’effet d'échelle suffisant, North Atlantic, arrive avec une structure probablement plus agile et entrepreneuriale, parle d’investissement, de modernisation, de
"Green Energy Hub". L’idée : consolider le site sur les produits conventionnels et le faire évoluer vers pôle de production de carburants bas carbone, d’énergies renouvelables, voire d’hydrogène. Une stratégie pleine de promesse et porteuse d’espoir -mais qui reste neanmoins teintée de vigilance- auprès des employés.
💶 Un rachat complexe, mais cadré
Le rachat en lui-même n’a rien d’un chèque en blanc. Le prix de cession que North Atlantic débourserait est d’environ
422 millions d’euros, ajusté selon la valeur des stocks pétroliers, les intérêts financiers accumulés, et la trésorerie excédentaire au moment de la vente.
ExxonMobil conserverait certaines marques et activités, notamment liées à la commercialisation de lubrifiants.
Les 750 stations services en France, qui sont resteraient sous l’enseigne Esso
En clair, une opération en plusieurs temps, techniquement sophistiquée, mais qui vise à garantir à la fois un transfert fluide et une valorisation juste.
🤝 Une transition sous haute surveillance
Dès l’annonce, les syndicats ont sorti les jumelles pour regarder de l’autre côté de l’Atlantique . Ici, le message de North Atlantic se veut rassurant :
aucune suppression de poste annoncée, maintien des conditions sociales existantes,
consultation complète des instances représentatives.
Et surtout, une promesse d’autonomie industrielle accrue, loin des décisions prises à Dallas ou à Houston. Comme le confiait un syndicaliste local :
« Chez Rhône Energies à Fos-sur-Mer, les collègues ont vu du changement. Moins d’inertie, plus de terrain. Pourquoi pas ici ? »
Reste que l’exemple de l’échec de la reprise de Petit-Couronne par Pétroplus hante encore les mémoires . Pourtant cela n’est pas comparable tant la configuration de chacun des sites et aujourd’hui la robuste performance de la plateforme de Gravenchon présente un réel atout de résilience.
📆 La suite des opérations
Si les conditions réglementaires sont remplies et les financements finalisés, la transaction devrait être conclue
d’ici fin 2025. S’ensuivra alors une
offre publique d’achat obligatoire sur les actions restantes d’Esso SAF encore échangées sur la bourse de Paris (environ 17% du capital) au
premier trimestre 2026, aux mêmes conditions scellant ainsi une prise de contrôle totale.
Des accords à long terme entre North Atlantic et ExxonMobil sont déjà envisagés, notamment pour garantir
l’approvisionnement en brut, la
commercialisation de produits finis, ou encore
l’usage des marques Esso en France.
🧭 Et maintenant ?
Pour INCASE, cette opération illustre une opportunité majeure :
la pérennisation de l’industrie énergétique française par des acteurs étrangers plus agiles, et souhaitant consolider l’outil existant pour fournir les produits énergétiques dont la souveraineté du pays a toujours besoin tout en déployant une stratégie décarbonation. Elle conforte l’industrie sur le territoire et une plateforme de premier plan pour le tissu économique local.
Accompagner ce type de transition, c’est plus que du conseil : c’est du pilotage stratégique. La nouvelle gouvernance du site devra accompagner les premiers investissements réels (consolider les produits conventionnels et ouvrir vers les carburants alternatifs) .Cela permettra de promouvoir la capacité de North Atlantic et des salariés de la plateforme à devenir des acteurs majeurs du territoire et confirmer ainsi l'ancrage local pour les decenies à venir.
🧠 En résumé ?
Ce n’est pas seulement la vente d’une raffinerie. C’est
une réelle opportunité pour la consolidation industrielle forte de notre territoire , et son evolution vers une plateforme energetique du futur qui s’inscrit dans la transition neergetique.
Nous accompagnerons cette transition pour que Port-Jérôme devienne un symbole — non pas de désindustrialisation - mais de transition energetique réussie.